« Idéal de la raison, catastrophe de la raison. Utopisme et scepticisme chez Foigny, Swift et Holberg »
Résumé
Early modern imaginary voyages have often been analyzed as "progressive" narratives, exemplifying the rationalistic criticism of prejudice, superstition and fanaticism. Yet their links with ancient satire implies further hermeneutical complexities. They often stage rational and rationalist people, or even some people passionate by reason. But the alternative to our irrational world proves an illusion: prone to suicide or genocide, Foigny's Australians or Swift's Yahoos extend the rejection of humanities to its last consequences. Mad scientists in Swift's Laputa and Balnibardi or in Holberg's pseudo-utopias tend to underline the divorce between science and wisdom. Ignoring the distinction between utopia and dystopia, these sceptical authors do not praise obscurantism, conversely, They play ironically on the narrator's curiosity in order to embed the reader in a critical reflexion on the ultimate paradoxes of reason.
Les voyages imaginaires de la première modernité ont souvent été présentés comme des textes "progressistes", emblématiques d'une critique rationaliste du préjugé, de la superstition et du fanatisme. Mais leurs liens avec la satire ancienne implique une complexité herméneutique plus grande. Ils mettent souvent en scène des peuples rationnels, rationalistes même, voire passionnés par la raison. Or, l'alternative à notre monde irrationnel n'est qu'un leurre : suicidaires ou génocidaires, les Australiens de Foigny et les Yahoos de Swift poussent le refus de l'humanité dans ses conséquences extrêmes. Les savants fous de Laputa et de Balnibarbi chez Swift, ou des pseudo-utopies de Holberg, dramatisent le divorce entre science et sagesse. Ignorant la distinction entre utopie et dystopie, ces auteurs sceptiques ne font pas pour autant l'apologie de l'obscurantisme, mais construisent un jeu ironique complexe autour de la figure du narrateur curieux, qui vise à impliquer le lecteur dans une réflexion critique sur les paradoxes ultimes de la raison.